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Jeudi Saint

Marc 14, 12-16

La préparation du repas pascal

Père David-Marc d’Hamonville

Marc, l’histoire d’un choc, p. 316s

 

          Le jour de ces préparatifs est le premier jour des Azymes, où l’on sacrifiait la Pâque. C’est l’unique emploi dans tout l’évangile de Marc du verbe immoler, sacrifier : on peut le relier à l’unique emploi du substantif correspondant sacrifice, présent dans l’affirmation du scribe que Jésus avait déclarée pleine de sens : Aimer… cela dépasse tous les holocaustes et les sacrifices (12,33). Ce qui se prépare ici, le dernier repas de Jésus, est donc de l’ordre de l’Amour : la Cène va à ce point dépasser tous les sacrifices qu’elle en marquera l’abolition définitive.

          L’initiative personnelle de Jésus est soulignée par le curieux scénario conduisant les disciples au lieu choisi pour le repas pascal. L’énoncé : il envoie deux de ses disciples et leur dit : Allez… est rigoureusement identique à celui qui introduit la réquisition de l’ânon pour l’entrée à Jérusalem (11,1-2) ; outre la posture prophétique de Jésus, les gestes codés et le sésame, que constitue la question posée au propriétaire, produisent une impression de clandestinité. Jésus avait donc des disciples secrets, certains haut-placés, l’évangile de Jean en témoignera : ici un homme qui avait littéralement pignon sur rue à Jérusalem.

          Ce lieu de rendez-vous secret pour la dernière Cène a dû résonner tout particulièrement dans les temps de persécution qui accompagnèrent et suivirent la rédaction des évangiles : à ces moments-là, le lieu de l’eucharistie du premier jour de la semaine, une eucharistie, restée domestique pendant plus de deux siècles, était forcément tenue secret. Nous avons du mal aujourd’hui à tirer toutes les conséquences d’un tel secret. La plus évidente est l’obligation de faire confiance à des intermédiaires parfois inconnus, comme l’homme à la cruche. Cette confiance peut être trahie : dans cette confiance, la vie est donc déjà livrée. Il y a une continuité indissoluble entre l’eucharistie et la communion à la vie, à la mort, la solidarité sans faille du groupe qui célèbre le repas du Seigneur.

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Mercredi Saint

Matthieu 26, 14-25

Trente pièces d’argent

Père Renaud Silly

Dictionnaire Jésus, p. 1167s

 

          Jésus fut livré par Judas en échange de trente pièces d’argent. Ces pièces initialement convoitées, Judas les rejette et profane le sanctuaire en les jetant à l’intérieur. Par ce geste, Judas explicite-t-il la profanation de l’Alliance de Moïse dont les grands prêtres se rendent coupables par ce crime ? Devant le refus de discuter des grands prêtres, Judas dénonce unilatéralement le contrat passé avec eux et s’adresse à Dieu en enjambant la médiation sacerdotale, comme pour faire alliance avec Lui en dehors des règles de culte légal. A-t-il essayé de défaire le mal commis ? L’ambiguïté demeure car les prêtres portent la culpabilité et l’argent mérite d’être consacré puisqu’il est le prix de la rédemption. Prix du sang, cet argent ne peut revenir au trésor du temple. Ces trente pièces servent donc à acheter le champ du potier.

          Une analogie avec la geste de Joseph et de ses frères apparaît. En Genèse (37,28), Juda et ses frères décident de vendre Joseph à des marchands pour vingt pièces. Une version présente à ce propos une correction, probablement chrétienne, qui chiffre le prix de la vente de Joseph, par Juda et Gad, à trente pièces. Moïse fixe le prix de l’esclave à trente sicles d’argent.

          D’autre part, le rejet du salaire par Judas fait écho au prophète Zacharie qui, après avoir rapporté son expérience décevante de berger, irrité par les autres pâtres et même par les brebis, quitte son emploi et se présente aux marchands qui l’ont embauché : Je leur dis alors : Si cela vous semble bon, donnez-moi mon salaire, sinon n’en faites rien. Ils pesèrent mon salaire : un trentain de sicles d’argent. Le Seigneur me dit : Jette-le au fondeur, ce prix splendide auquel ils m’ont apprécié ! Je pris donc le trentain de sicles d’argent et le jetai à la Maison du Seigneur pour le fondeur (Zacharie 11,12-13).

          Cet ancien oracle de Zacharie, apparaissant en surimpression sur la scène de la trahison de Judas, suggère qu’au-delà de l’apparent triomphe du mal, un dessein de Dieu se réalise.

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Mardi Saint

Jean 13, 21…38

Le traître est démasqué

Hans-Josef Klauck

Judas, un disciple de Jésus, p. 94s

 

          Judas sortit immédiatement, il faisait nuit. La notation chronologique à la fin de cette péricope évangélique a une haute valeur symbolique. Elle couple la figure de Judas avec le dualisme de la lumière et des ténèbres qui court tout au long de la première moitié de l’évangile de Jean. Judas quitte le groupe des disciples.

          Il quitte le cercle lumineux autour de Jésus, lui qui est la lumière du monde en personne. Il pénètre dans le domaine des ténèbres pour coopérer à cette action dont parle déjà le Prologue de l’évangile de Jean (1,5) : Et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise. Pour Jésus, la nuit est imminente qui éteindra son existence terrestre (9,4), et qui rend nécessaire cette nouvelle forme de sa présence dans l’Esprit dont parlent les discours d’adieux qui suivent.

          Judas erre dans cette nuit dans laquelle, selon Jésus (11,10), on trébuche : Si quelqu’un marche de nuit, il trébuche parce que la lumière n’est pas en lui. La parole brève avec laquelle se termine le récit concernant le départ du traître recueille encore une fois toute l’obscurité de ces événements, une conclusion pleine de force, mais qui, pour l’évangéliste, devient seulement le fond obscur  d’où se détache la parole relative à la glorification de Jésus qui va suivre.

          Donnons la parole à Cyrillonas le Syrien (VI° siècle), plus pour la qualité poétique de son commentaire que pour la qualité théologique : Qui a jamais vu un festin inouï où le vautour a mangé avec les onze colombes ? Qui a jamais vu un festin aussi admirable auquel la taupe, le fils des ténèbres, a pris part en même temps que l’aigle ? Le soir venu, Judas quitte la salle du festin, et les disciples restèrent dans une paix profonde. La salle du festin s’est réjouie, car les ténèbres s’étaient éloignées des douze, et le bouc s’était enfui. Le hibou qui se glorifiait des ténèbres quitta les colombes et vola au-dehors, en croassant. Alors la demeure devint lumineuse, dans laquelle le soleil caché séjournait avec ses rayons ; elle se réjouit parce que la vipère maudite s’en était enfouie.

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Lundi Saint

Jean 12, 1-11

Gestes de miséricorde

Père Paul-Marie de la Croix

L’évangile de Jean et son témoignage spirituel, p. 402s

 

          Tous les gestes de Jésus sont vrais. Plus encore : tous sont des actes créateurs. Le lavement des pieds par Jésus, accompli à l’entrée de sa Passion, est définitif, et il le sait. Ce que fera Judas quelques instants après n’en sera que plus terrible !

          Au-delà des gestes du Christ, si exemplaires qu’ils soient, mais encore extérieurs, il y a ce qu’il fait pour ses disciples, l’hommage qu’il leur rend. Ce qu’il dépose à leurs pieds, c’est toute la ferveur, toute la disponibilité, tout l’amour qu’il va mettre en œuvre pour eux. Gravement, joyeusement, il s’incline devant eux, reconnaissant en eux ceux pour lesquels il a été envoyé, ceux qu’il va rendre dignes d’être aimés par son Père. Il ne joue pas le rôle de serviteur, il l’est véritablement avec toute la dévotion, la ferveur, la piété de celui qui offre à Dieu un sacrifice.

          Devant cette scène du lavement des pieds, comment ne pas évoquer celle où l’on voit Marie versant du parfum sur les pieds de Jésus et les essuyant de ses cheveux ?

          Ce qu’une pauvre femme a accompli dans la tendresse de son cœur, cet hommage délicat et fervent rendu au Maître, celui-ci à son tour l’accomplit envers ses disciples. Et il ne répugne pas à poser les mêmes gestes envers celui qui le trahira et celui qui le reniera, effaçant comme par avance leurs souillures, pour ne voir en eux que la dignité à laquelle le Père les appelle. Aucun des gestes du Christ qui ne soit miséricordieux et rédempteur, et aussi gratuit, comme l’est par définition même la miséricorde, car elle vient de l’amour et ne s’adresse qu’à lui.

          Ce qu’a d’unique ce geste d’humilité du Christ et le sacrifice de lui-même qu’il manifeste, c’est de nous offrir la vision d’être rachetés par avance, et dignes d’être honorés. Ce qu’à jamais il a d’exemplaire pour les disciples, c’est cette attitude de référence due à quelqu’un dont le nom véritable est écrit dans les cieux, de disponibilité totale à l’égard de la chair, de miséricorde : Heureux serez-vous, si vous le faites. Oui, toutes les béatitudes sont encloses dans la miséricorde.

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3° lecture Dimanche de la Passion

Marc 14,1 – 15,47

La mort de Jésus

Jacques Cazeaux

Marc, le lion du désert, p. 321s

 

          Le récit de la mort de Jésus est d’une puissance serrée, du fait qu’il assume le drame entier d’Israël : tout se tasse à l’extrême. Les moqueries du peuple et des autorités anéantissent tout Israël dans le reniement de soi, laissant Jésus seul dans la fidélité du Serviteur de Dieu. Jésus dit une seule parole : Eloï, Eloï, lama sabachthani, parole qui n’est pas de lui ; elle est des Ecritures prophétiques d’Israël, et donc de son « moi » le plus profond. Eloï, Eloï, cette citation de David porte en Dieu la déférence du Serviteur qui est anéanti au sens plénier, ce qui ne peut que devenir son « moi » le plus pur : sa résurrection. Dieu étant Dieu, d’où le redoublement : Eloï, Eloï. Signe également de la résurrection, la fin des ténèbres qui ont couvert le monde de la sixième à la neuvième heure, et qui cèdent soudain la place à la lumière à la neuvième, au moment précis où Jésus commence le psaume.

          C’est bien que, dans l’énoncé de la déréliction, Lama sabachthani, la présence de Dieu antérieure et redoublée était relèvement sans repentir. Aussi bien, Jésus meurt avec force ce qui est l’effet de cette présence de Dieu. Et sa mort déchire la Tenture du Sanctuaire signe de la ruine radicale du mauvais Israël, mais une ruine dont la phrase du Centurion merveilleux va déclarer la résurrection, du côté des Nations. Non pas que la vérité soit passée chez les Nations qui remplaceraient Israël, puisque ce Centurion est plus proche d’Israël que ces Judéens. Eux, ils raillent l’appel présumé à Elie, et déjà en jouant vilainement sur le nom de Dieu, leur blasphème leur fait courir un risque, puisque leur tradition veut qu’Elie, enlevé sur le char, revienne ouvrir de même la voie au Messie, et ils connaissent le pouvoir qu’avait ce supplicié de faire des miracles.

          Du côté de la lumière, en désignant Jésus comme Fils de Dieu, le centurion         adopte l’idiome des Ecritures. Le centurion prend la suite de ces personnages des Nations, de Jéricho ou de Babel, de Tamar, de Caleb, de Rahab, de Ruth, d’autres. Cette parole du centurion glorifie Dieu autant que le supplicié Jésus, puisque c’est Dieu que les Judéens viennent de mettre au défi, par Elie interposé. Epave dans la pleine lumière, puisque le soleil est revenu, Jésus est révélé véritablement Fils de Dieu. Tel est le Vin du Royaume, et il ne saurait boire ni vin, ni boisson aigre.

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2° lecture Dimanche de la Passion

Jérémie 22,1-9 + 23,1-8

La mort rédemptrice du Seigneur : un sacrifice

Père Joseph Bonsirven

Théologie du Nouveau Testament, p. 304s

 

          C’est par un sacrifice que le Seigneur nous a rachetés : comment le définir ? D’abord en mettant l’accent sur le côté volontaire du sacrifice, ensuite en ne séparant pas, Passion et Mort, de la Résurrection et du reste de la vie. La lettre aux Hébreux (10,1-10) nous apprend à bien comprendre la doctrine sur le sacrifice : nous sommes sanctifiés, dit-elle, dans l’offrande que le Fils, en venant dans le monde, fit de son obéissance, aboutissant à l’oblation du corps du Christ. Par là, son sacrifice comprend, non un moment de son existence, mais toute sa vie. Nous découvrons la même indication dans les seuls textes qui appliquent au geste de Jésus le terme de sacrifice : Il nous a aimés et s’est livré pour nous comme une offrande et un sacrifice de bonne odeur offert à Dieu ; il a aimé son Eglise et s’est livré pour elle (Ephésiens 5, 2 et 25). Il n’est pas question de sang ; le terme livrer générique ne signifiant pas de soi sacrifier nous invite à voir une donation entière de soi-même : le Fils de Dieu entre dans notre humanité pour lui communiquer ses richesses, surtout lui-même, par une présence permanente. Un seul médiateur, l’homme Christ Jésus, qui s’est donné pour délivrer une multitude (1 Timothée 2,6), lisons-nous : cela rappelle un mot de Jésus : Le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (Marc 10,45). Pas plus ici que dans les autres textes n’apparaît une allusion évidente à la croix, mais seulement l’idée d’une généreuse donation de soi-même.

          A tenir compte de ces données, nous pouvons définir ce que fut, suivant saint Paul, le sacrifice du Fils de Dieu. Il est avant tout l’acceptation filiale de la mission que lui assigne son Père : il est donné aux hommes afin de les transformer en véritables enfants de Dieu. Le Fils se soumet à toutes les obligations que comporte cet office, sacrifices particuliers, monnaie du sacrifice premier ; parmi ces sacrifices, une place prépondérante est reconnue à la croix : elle est le sacrifice par excellence, la souffrance étant le témoignage le plus indiscutable de l’obéissance. De là, l’accent mis, dans la piété et le dogme chrétiens, sur l’événement sanglant : dogme de la mort sacrificielle du Christ, à laquelle nous associe l’eucharistie. Rappelons encore qu’elle est un moment proéminent, un point culminant du sacrifice total, elle n’est pas l’unique sacrifice.

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Samedi de la 5ème semaine du Temps de Carême

Nombres 24, 1-19

L’oracle de Balaam

Antoine Nouis

La Bible, commentaire intégral, Tome I, Le Pentateuque, p. 581s

 

          Après avoir annoncé la victoire d’Israël sur Moab, Balaam fait de même sur Amalec et les Caïnites. Puis Balaam retourne chez lui.

          Au moment de quitter le personnage de Balaam, on voit qu’il a finalement obéi au Seigneur en bénissant Israël au lieu de le maudire. Mais alors pourquoi garde-t-il une image aussi négative dans la tradition biblique ? Chaque fois qu’il est cité dans le Nouveau Testament, c’est pour souligner son dévoiement. La réponse à cette question se trouve dans la suite de l’histoire. Au chapitre 25 du livre des Nombres, les filles de Moab séduisent les fils d’Israël et les entraînent à la débauche. Elles sont tellement belles que les Hébreux succombent à leur charme et les suivent dans leur culte idolâtre. Ce que Balaam n’a pu faire, les belles Moabites l’ont réussi en prenant les hommes par leur point faible. Sauf que Balaam n’est pas innocent dans cette affaire, puisque c’est lui qui a indiqué ce stratagème au roi de Moab (31,16) !

          Cette hypocrisie est reprise dans le livre de l’Apocalypse (2,14) qui dit à propos de Balaam qu’il a enseigné à Balaq comment causer la chute des Israélites en les incitant à manger des viandes sacrifiées aux idoles et à se prostituer. Balaam n’a pas pu maudire Israël contre la volonté de Dieu, mais il a usé de perfidie pour répondre quand même à la demande du roi de Moab. On imagine qu’il a été récompensé par son conseil.

          La deuxième lettre de Pierre (2,15) fait de Balaam le maître des prophètes de mensonges, de ces hommes qui ont cultivé leur popularité et leur propre gloire plutôt que la vérité. Le prophète de mensonge est celui qui dit la parole qu’on attend de lui, car il préfère la notoriété à la justice. Parce qu’il s’est laissé séduire par l’argent et les honneurs qu’on lui proposait, Balaam a négocié avec Dieu. Ouvertement, il a fait semblant de bénir Israël, mais par derrière il s’est débrouillé pour satisfaire les attentes du roi qui le payait.

          Un verset de l’évangile de Luc (12,48) déclare : A quiconque il a beaucoup donné, il sera beaucoup demandé ; de celui à qui on a beaucoup confié, on exigera davantage. Parce qu’il a beaucoup reçu, Balaam aurait pu beaucoup apporter, mais il est passé à côté de sa vocation.

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Vendredi de la 5ème semaine du Temps de Carême

Nombres 22, 1-8a+20-35

Dieu, Balaam, Balach et l’ânesse

Origène

Homélie 14, 1,2 + 2,1 sur les Nombres, SC 442, p. 161s

 

          Comment se fait-il que l’Ecriture dise que Dieu est venu une première fois à Balaam de nuit et qu’il lui avait demandé qui étaient les hommes venus chez lui. Balaam avait répondu que c’était Balach, fils de Séphor, qui les avait envoyés avec ces paroles : Viens me maudire ce peuple, c’est-à-dire Israël. Or Dieu lui avait répondu : Tu n’iras pas avec eux et tu ne maudiras pas ce peuple, car il est béni. L’Ecriture dit que Dieu vint encore une seconde fois à Balaam de nuit et lui permit d’aller avec ses hommes, mais à condition de ne dire que les paroles qu’il mettrait dans sa bouche. Une troisième fois, alors que Balaam était en chemin, l’ange de Dieu se dressa face à lui : ce voyage paraissait à l’ange si peu correct et si peu convenable qu’il avait l’intention de tuer Balaam, ce qui aurait eu lieu si l’ânesse qui voyait l’ange, alors que Balaam ne le voyait pas, n’avait fait un écart. Et cependant, une fois que l’ange lui eut reproché d’avoir voulu partir pour ce voyage, Balaam reçoit, à l’inverse, la permission de partir. Mais seulement à condition de respecter la parole que Dieu aura mise dans sa bouche et de ne proférer que celle-là et rien d’autre.

          Si Balaam en avait été digne, Dieu n’aurait pas mis sa parole dans sa bouche, mais dans son cœur. Mais comme dans son cœur régnait le désir du gain et la passion de l’argent, la parole de Dieu n’est pas mise dans son cœur, mais dans sa bouche. Un admirable et magnifique dessein s’accomplit ici : puisque les prophéties renfermées dans l’enceinte d’Israël ne pouvaient parvenir aux nations, Dieu se sert de Balaam qui avait la confiance de toutes les nations, pour leur faire connaître à elles aussi les mystères sacrés du Christ et leur apporter un grand trésor, moins par le canal du cœur et de l’esprit que par celui de la bouche et du discours.

          Monté sur son ânesse, Balaam cheminait ; un ange lui barre la route, sans aucun doute celui qui veillait sur les fils d’Israël. Il ouvre la bouche de l’ânesse pour que ce soit elle qui dénonce Balaam et que la voix d’une bête muette confonde celui qui passait pour un devin et un sage.

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3° lecture Fête du Trépas de saint Benoît

Matthieu 19, 27-29 ou Jean 17, 20-26

« Que tous soient un »

Saint Augustin

Traité 110 sur l’évangile de Jean, Internet

 

          Quand le Seigneur eut prié pour ceux de ses disciples qu’il avait alors avec lui, il y joignit aussi les autres par ces mots : je ne prie pas seulement pour ceux-là, mais aussi pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en moi. Et comme si nous lui avions demandé pourquoi il priait en leur faveur, il ajoute aussitôt : Afin que tous ils soient un, comme vous, Père, vous êtes en moi et moi en vous, que de même ils soient un en nous. Déjà, il priait pour les disciples qu’il avait avec lui, il disait : Père Saint, gardez en votre nom ceux que vous m’avez donnés afin qu’ils soient un comme nous-mêmes. Il demande donc maintenant pour nous ce qu’il demandait alors pour ses autres disciples, à savoir que tous, eux et nous, nous ne soyons qu’un ; et ici, il faut remarquer avec soin que Notre Seigneur ne dit pas que nous soyons un, mais bien : Que tous soient un, comme vous, mon Père, en moi, et moi en vous. Sous entendu, nous sommes un.

          Il le dit du reste ensuite plus ouvertement : déjà il avait dit en parlant de ses disciples qui étaient avec lui : Afin qu’ils soient un comme nous. Le Père est dans le Fils, et le Fils est dans le Père, de telle sorte qu’ils ne sont qu’un, parce qu’ils ne sont qu’une seule substance. Pour nous, nous pouvons être en eux, mais nous ne pouvons être un avec eux, parce que nous n’avons pas avec eux une seule substance ; en effet, le Fils est Dieu avec le Père ; en tant qu’homme il est de la même substance que nous. Mais ici, il veut plutôt faire allusion à ce qu’il a dit en un autre endroit : Le Père et moi sommes un. Par là, il montre que le Père et lui ont la même nature. Aussi, quand le Père et le Fils, et même le Saint-Esprit, sont en nous, nous ne devons pas penser qu’ils aient la même nature que nous. Ils sont en nous, ou bien nous sommes en eux, de façon qu’ils sont un dans leur nature, et que nous sommes un dans la nôtre. En effet, ils sont en nous comme Dieu est dans son Temple, et nous sommes en eux comme la créature est dans son Créateur.